mercredi 4 novembre 2020

D comme Déchiffrer les écritures du passé

J'en ai déjà parlé sur ce blog : la généalogie est comme un puzzle géant dont ont ignore le nombre de pièces à assembler. Un gamin sait faire un puzzle, il suffit de patience et d'un peu de persévérance, mais il n'y a pas de difficulté réelle si on possède ces deux atouts. Je dois bien vous avouer qu'il y a parfois des os dans la recherche tout de même ! Trouver l'acte ou le document n'est pas une fin en soi. Il faut pouvoir comprendre ce qui est écrit. Je vous propose un catalogue des écritures rencontrées au fil de l'arbre généalogique. Un voyage dans le temps via les documents, c'est aussi ça la généalogie !


On commence avec la date écrite sur un acte de naissance. Pour moi, c'est simple, déjà parce que je sais exactement de quoi il s'agit, mais vous noterez que le N du mot neuf (3è mot) aurait tout aussi bien pu être un V. Les E ne sont pas de jolies boucles bien formées et l'oeil moderne en s'attendait pas à lire "mil" pour 1000 mais "mille". L'an mil neuf cent vingt quatre, le cinq juin, vous l'aviez ? Je n'en doute pas !

Pour guider la recherche, l'officier d'état civil de Vouzailles a noté en marge de l'acte la date de l'événement, sachant que cet acte est classé parmi l'année 1924, qu'il ne reprécise pas :

Le mois est tout à fait lisible, pour le jour, ce n'est pas si évident. Heureusement que l'acte est plus accessible pour que recouper l'information. D'où l'importance de l'avoir écrit en toutes lettres !
On ne se laisse pas décourager, on continue. Je vous emmène en 1876, soit 50 ans plus tôt, à Maillé, pour une autre naissance : 

Que ces D sont beaux ! Pas de difficulté particulière ici. On distingue bien toutes les lettres, le chiffre est parfaitement lisible. On veut lire l'acte pour savoir ce qu'il peut nous apprendre. 


Vous avez ici le début de l'acte. Il est relativement lisible. On est en début de registre annuel et en début d'acte, Pierre DADU, maire de Maillé, s'est bien appliqué. Regardez comme ses D minuscules se prennent pour des herbes folles ! On notera qu'il n'écrit plus le D majuscule de la même façon qu'en marge (voir l'image précédente). La formule officielle qui introduit un acte d'état civil change peut au fil du temps. C'est très pratique pour le lecteur dont les yeux se fatiguent à vouloir déchiffrer parfois. La date, l'heure, par devant nous, identité et fonction, a/est comparu, l'identité, l'âge et la profession du déclarant, son domicile et son lien avec la personne dont il déclare l'événement (naissance ou décès)... Ici, ça n'est pas utile, mais quand vous tombez sur acte écrit avec des pattes de mouches sur du papier absorbant, vous êtes content de vous raccrocher à ces formules.

Je vous emmène plus tôt dans le siècle, à Massognes cette fois. Toujours pour un acte de naissance.

Si vous vous perdez dans la lecture, vous pouvez essayer de repérer les formules habituelles. En 2è ligne, nous avons le mois suivi de "par devant nous maire officier de l'état civil de la commune de Massognes canton de Mirebeau département de la Vienne". L'orthographe importe peu, il faut surtout que les mentions soient faites. Pour le généalogiste des années 2000 il faut s'aider en lisant à voix haute. Alors la date de l'acte figurait avant cette formule. Vous avez réussi à lire ? "L'an mille huit cent dix sept et le vingt deux du mois de septembre"  Louis BRÉJON déclare la naissance de son garçon, BRÉJON est devenu BRION au fil des actes. 
Avec la pratique, on finit par ne plus lire les formules. On file chercher ce qu'on est venu découvrir : qui ? quoi ? quand ? ensuite on relève les identités et le lien de parenté. Si le déclarant est un ami du déclarant, il n'a pas de lien de parenté avec le nouveau né, alors on l'écartera plus facilement que s'il était l'oncle de l'enfant. 
Je retourne à Vouzailles, en 1793, tout de suite après la Révolution française. Le papier et l'encre ont plus de deux siècles lorsque la photo a été prise. L'acte a été rédigé en bas de page, sur un registre dont les feuilles n'ont pas toutes le même format. On doit s'imaginer les conditions dans lesquelles ont été tracées ces lettres.

A gauche, on nous aide en mentionnant le nom de l'individu concerné. Il est écrit (en partie dans la reliure) "N. de Margueritte Brochu". Ensuite, on lit le corps de l'acte. "aujourd'hui cinq octobre mil sept cent quatre vingt treize l'an deuxième de la republique française a trois heurs apres midi" On a la date et l'heure. On continue "par devant nous Louis Charles Varenne, membre du conseil general de la commune élu le neuf decembre dernier pour d\\esser les actes destinés a constate"... on retrouve la formule qui va bien, l'identité et la fonction du rédacteur. La suite est écrite en haut de la page suivante. Je n'ai pas tout mis mais vous voyez qu'il y a d'autres écritures en dessous et à droite. Ce sont sur les pages suivantes, elles débordent de cette page là. La numérisation des registres a du bon, mais parfois la limite n'est pas si nette et on se demande bien ce que font ces mots en plus dans l'acte. Alors on les lit et on se torture pour comprendre. 
Autre chose qui peut nous perturber ou nous aider : les actes sont rédigés plusieurs fois. Les registres sont dédoublés pour permettre leur conservation. Un exemplaire en mairie et un autre ailleurs. Aujourd'hui ils sont consultables aux archives départementales, mais il faut garder en tête qu'il a existé deux registres contenant les mêmes actes. Si l'un venait à brûler ou disparaître, l'autre resterait en secours. 
Voici donc l'image du début de l'acte jumeau du précédent, écrit de la même main, mais on peut relever quelques différences. 


On ne précise pas qu'on est en l'an 2 de la République notamment.
Avant 1792, les registres étaient tenu par le Clergé. Ils ne consignaient pas les naissances et les décès mais les baptêmes et les sépultures. On ne tardait pas à procéder, parce qu'un enfant ne vivait pas forcément assez longtemps pour qu'on déclare sa naissance 3 jours plus tard comme on peut le faire aujourd'hui, et on n'attendait pas une semaine pour ensevelir un défunt.
Je vous emmène donc en 1762, dans le registre paroissial de Saint-Gervais et Saint-Protais, à Ayron. Je vous conseille de nettoyer vos lunettes, de régler la luminosité de votre écran et de prendre une bonne inspiration. Restez calme, ce n'est que de la lecture ;-) 

L'acte commence en bas de la page de gauche...
...et prend fin en haut de la page de droite


Le vingt six du même mois (si vous n'avez pas réussi à lire le mois sur l'acte précédent, c'est moche ! Je vous indique donc qu'on est en août) de la même année (rebelotte ! Sachez qu'on est en 1762) est né et a étté baptisé pierre fils légitime de rené dadu et de marie -------------
bernard onts éttés parrain et marraine pierre dadu et renée dadu le parrain l'est soussigné [en marge : pierre dadu - sous l'acte les signatures de Pierre DADU et du rédacteur : par moy Germonneau curé]
Cet acte est donc l'acte de baptême de l'arrière grand-père de Delphin, mon arrière grand-père.

Je dois aussi préciser que selon la saison, la main qui a rédigé les actes est plus ou moins tremblotante, selon l'âge du rédacteur aussi. On voit parfois que le registre est tenu de façon plus en plus difficile jusqu'à lire qu'on a enterré le curé, et l'écriture change avec la venue de son remplaçant. Certains registres sont magnifiques avec des écritures appliquées et d'autres sont des épreuves en soi, avec le papier qui a absorbé l'encre ou de la cire de bougie, ou un rond de liquide (du vin de messe ?)... C'est aussi ça qui fait le charme de ces vieux documents. 
Pauvres généalogistes du futur qui auront - au pire - de pales impressions et ne pourront pas user leurs yeux sur nos actes informatisés ! :-D




Précédemment, la lettre D m'avait permis d'écrire sur l'importance de décortiquer les actes et sur la variété des documents sources, avec un appel à vider vos armoires :-) 

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